"La guérison du coeur" - "Père manquant fils manqué" - "Victime des autres, bourreau de soi-même" - "Le meilleur de soi" - "Revivre" de Guy Corneau
"La solitude. Il est intéressant de noter combien la solitude que cet homme s'est imposée volontairement s'avéra formatrice". Dans cet ordre d'idées, Jérome Bernstein, un analyste jungien, soutient que s'il n'a pas développé une capacité de vivre seul et de faire son propre nid, un homme ne peut vivre avec une femme sans en faire sa mère, c'est-à-dire sans dépendre d'elle maternellement. Psychologiquement, un homme doit sentir qu'il possède un "foyer" au-dedans de lui-même. Sinon, il exigera de ses partenaires qu'elles lui en fournissent un."
"La maladie nous parle surtout de santé. Elle nous propose des réajustements à tous niveaux, car, comme nous l'avons vu, nos habitudes physiques, notre vies spirituelle, psychologique et amoureuse, autant que notre environnemenr extérieur, contribuent à l'équilibre du terrain que nous sommes."
"La culpabilité. Survivante d'une catastrophe aérienne, Johanne de Montigny. Elle décide d'entreprendre une véritable thérapie. Elle s'aperçoit alors qu'elle souffre d'une peine beaucoup plus difficile à saisir : elle se sent honteuse d'avoir survécu alors que d'autres sont morts. Cette peine révèle bientôt une peine plus profonde qui est liée au départ de son père et au divorce de ses parents alors qu'elle était encore toute jeune. Elle s'en veut d'avoir survécu à cet abandon-là aussi, comme si elle en était responsable. Elle se rend alors compte que, pour se faire pardonner, elle est devenue une brave jeune fille compétente et performante, douce, gentille et compréhensive."
"L'isolement. Sur un plan théorique, nous pouvons penser qu'à l'origine une situation intenable ou un conflit répété a agi comme une empreinte conditionnante. Ce conflit blessant a engendré une programmation qui pourrait se lire ainsi : lorsque j'ai besoin des autres, je m'isole pour ne pas être blessé à nouveau."
"L'individualité. Les parents sont capables de favoriser le maintien d'un lien entre individualité et universalité chez leurs enfants lorsque, conscients de leurs blessures et de leurs peurs, ils sont déterminés à ne pas transmettre. Autrement dit, chaque dissonance les ramène à un devoir d'intégration d'une part d'ombre personnelle."
"L'intelligence. Les cellules à l'intérieur d'un être humain sont en conversation permanente par un système de signalisation complexe et symbolique (environ onze mille signaux moléculaires ou électriques). mais où se localise l'intelligence, la leur comme la notre ? C'est ici que de surprenantes hypothèses apparaissent. Elles nous viennent essentiellement du domaine de la physique, de la biologie et de la neurologie. L'une d'elle pourrait se formuler ainsi : l'intelligence te la mémoire ne sont pas localisées au sein de la cellule, dans le cerveau ou dans l'ADN comme nous l'avons cru jusqu'ici, mais plutôt dans les particules du champ universel."
"L'épreuve. Me voici, passé le gué d'une terrible épreuve, ayant récupéré tant de santé et de joie que j'en suis tout étonné. pourtant, je ne trouve pas facile de me retourner sur moi-même pour témoigner sans fard de ce qui a été rencontré. Je crains comme la femme de Loth dans la bible d'être transformé en statue de sel pour avoir regardé en arrière."
"L'annonce de la maladie. A travers les réactions de mes proches, j'éprouve le bienfait que représente un réseau d'entraide solide. je me dis même qu'il ne doit pas être facile d'affronter le même diagnostic si l'on est isolé et que le téléphone ne sonne jamais pour nous tirer de la léthargie."
La Méduse et le cancer
18/07/2012
Le cancer est quelque chose qui est de l'ordre de la méduse. Il a un aspect si terrifiant qu'il hypnotise sa victime. La personne atteinte vit sous l'emprise d'une vision qui la pétrifie. Son entourage est assujetti à la même fascination, car dans la mort possible d'un proche, il contemple sa propre fin. Dès que vous avez le cancer, on ne vous parle plus que du cancer. C'est comme si vous aviez cessé d'exister autrement. Vous n'avez plus une maladie, vous êtes la maladie. Et comme le dit si bien la fable, c'est cette fascination même qui devient fatale, du moins au niveau psychique. Elle empêche de se détacher et de trouver l'attitude appropriée par rapport à l'atteinte. Pourtant, lorsque l'on a le cancer, les autres aspects de soi continuent à vivre. On demeure un père, un amoureux, un esthète, un amateur de théâtre, quelqu'un d'humoristique, un militant social. Bref, on continue d'exister. À partir du moment où l'on accepte cette réduction de notre individualité au cancer, on est cuit pour ainsi dire. On devient prisonnier de la caverne de Méduse. La peur, l'obsession, l'inquiétude et la fabulation sur notre propre maladie nous enferment et finalement nous emportent plus sûrement que n'importe quel cancer. On meurt d'avoir peur de mourir.
Quelle est donc l'attitude juste devant la maladie et l'épreuve qu'elle représente? Dans le récit mythique, Persée brise le sortilège en évitant de regarder la méduse en face. Il utilise son bouclier comme miroir et, localisant ainsi le monstre, il la décapite en lançant son arme à son cou. Nous pourrions interpréter que c'est le pouvoir de la réflexion qui permet d'abattre Méduse puisque Persée utilise une surface réfléchissante pour s'orienter. C'est cela même qui permet de briser le sortilège, c'est-à-dire qui permet de sortir de la pétrification et de se remettre en mouvement en quittant l'obsession de la mort. Cela rend le cancer plus relatif. À cet effet, le psychiatre Jean-Charles Crombez note qu'il y a une grande différence sur le plan psychologique entre « avoir une maladie » et « devenir une maladie ». Lorsque l'on « a » une maladie, on peut être en relation avec elle plus efficacement. On peut l'objectiver, on peut la voir et dialoguer avec elle. J'ai souvent résumé cette attitude de la façon suivante : la personne déprimée n'est pas la même que celle qui dessine sa dépression. Dessiner sa dépression, cela permet de l'exprimer, de la sortir de soi. Ce geste permet aussi d'éclairer la confusion intérieure. D'autant plus que le patient peut alors dialoguer avec ce qui l'affecte en parlant avec son dessin. Ce n'est pas magique, bien entendu, toutefois cela favorise l'émergence de la partie saine de soi.
Lorsque mon père était malade, il se levait, se lavait et s'habillait comme pour aller au travail. Je trouvais cela enfantin. Pourtant, je me suis vu faire exactement la même chose pendant ma traversée du cancer. Je faisais salon. Je recevais mes amis. Je combattais la pétrification. Si bien qu'un jour, me voyant de fort bonne humeur, un de mes amis m'a demandé tout candidement : « Es-tu certain que tu as le cancer? » Je lui ai répondu qu'en effet je n'en étais pas tout à fait sûr. Mais comme je n'avais rien à faire cet été-là, j'avais décidé d'essayer la chimiothérapie. Il a compris instantanément qu'il était sous l'effet de la méduse. Ainsi, au fil des mois, j'ai constaté que plusieurs personnes auraient préféré me voir alité. Ils auraient pu alors m'apporter le salutaire bouillon de poulet, combattant du coup l'impuissance qu'ils ressentaient sous le regard de la méduse. Lorsque j'ai compris cela, j'ai donné des tâches à mes visiteurs. Par exemple, trouver tout ce qu'il fallait pour le repas du soir et le préparer chez moi. Je n'ai jamais si bien mangé de ma vie et en prime j'ai renoué en profondeur avec chacun de mes amis.
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