Article "Confiance en Soi"
Témoignage publié dans la revue "Santé Intégrative" n°24
Un "petit texte" parmi d'autres, mais pour moi un "signe" important du fait de sa publication.
Je remercie Martine GERCAULT (ma thérapeute) et le Dr Jean-Michel ISSARTEL d'avoir initié cette "émergence".
Voici cet article/témoignage rédigé à la demande de mon médecin. Cet article m'a entraîné "plus loin" que prévu et dépasse la notion de "confiance en soi".
En voici la version finale réduite et épurée.
Elle donne une approche de ce que je nomme "mes conditionnements psychologiques" (ma personnalité) et peut, de ce fait, encourager ceux qui désirent partir à la découverte des leurs.
LA CONFIANCE EN SOI
Je pense que ce sentiment s'installe dès la petite enfance, puis s'amplifie dans l'enfance pour influencer par la suite toute la vie d'adulte. Je pourrais même émettre l'hypothèse qu’il existe en germe dans l'esprit des parents, puisque ceux-ci vont projeter leurs « ambiances intérieures » sur l'enfant à naître. Il est donc impossible d'aborder le sujet sans parler des « grands personnages » ayant habité notre enfance.
Pour ma part il s’agirait plutôt « du manque de confiance en soi » qui serait encore plus ou moins d'actualité, cela malgré le fait que je viens de fêter mon soixantième anniversaire. Voyons un peu, en simplifiant, ce qui s'est passé, ce que j'ai inconsciemment intégré de mon schéma familial.
J'ai été un enfant unique, isolé « des autres et du monde extérieur » jusqu'à l'âge de 9 ans, surprotégé et étouffé par une grand-mère envahissante et omniprésente.
J'ai admiré et idéalisé une mère belle et coquette fonctionnant, pour se faire accepter de ses parents, sur un principe masculin. Elle occupait la place de chef de famille avec l’accord tacite de son père et le soutien de sa mère qui y trouvait son compte.
Ayant cherché en vain chez mon père le moindre petit sentiment de confiance en soi, de maturité, de stabilité émotionnelle, je n'ai rien trouvé de ce genre.
Mon grand-père a heureusement sauvé la situation en compensant en partie ces manques. C'était un homme réputé « pas commode » et pourtant, moi je savais qu'il m'aimait. N'ayant eu qu'une fille (ma mère fut également une enfant unique), il avait fortement désiré un petit-fils, « un zouave » comme il disait, et le clamait haut et fort.
Revenons à ma grand-mère, vivant constamment à ses côtés, j'entretenais avec elle une relation fusionnelle ; il me semblait que je dépendais entièrement de son bon vouloir. Je pensais lui devoir ma vie, ce qui était renforcé par le fait qu'elle avait auparavant pratiqué deux avortements sur sa propre fille.
Je lui étais inconsciemment reconnaissant de m’avoir épargné, elle me semblait avoir le pouvoir de vie et de mort sur l’enfant à naître, sur moi. J’avais, ce qui est significatif, été jusqu'à développer la pensée que si ma grand-mère mourait, je mourais avec elle. De ce fait découlait une foule de questions angoissantes, pourquoi moi ? Pourquoi avais-je, tout comme ma mère en son temps, passé entre les mailles du filet ? J'en avais développé un fort sentiment de culpabilité, celui d'être tout simplement en vie, d'exister. J'allais m'en faire payer le prix.
Cette maman adulée, analysant calmement les situations difficiles sans jamais céder à la panique, contrôlant ses émotions, faisant face, considérée comme une personne « forte », l'était en fait devenue sous l’influence d'une mère se présentant sous l’apparence d’une femme peu instruite, de caractère faible, d’une victime. En réalité tout notre petit monde tournait autour de ce personnage central, satellisé en quelque sorte par son influence et ceci bien qu’elle n’en eut pas, je pense, toute conscience.
Ma mère prenait effectivement les décisions importantes, gérant également le budget de toute notre famille. Douée pour les études, ayant de ce fait obtenu une bonne situation, elle subvenait presque en totalité à tous nos besoins. Instruite, elle accomplissait les démarches administratives auxquelles les autres membres de la famille ne semblaient rien comprendre.
J'ai donc vécu, depuis ma conception, avec quatre adultes dans un climat psychologique que je qualifierais de chaotique. Chacun d'eux avait un lourd passé dû au vécu douloureux de leurs propres enfances. Je pense même avoir à certains moments frôlé la psychose, d'ailleurs mon demi-frère, lui, aura moins de chance des années plus tard avec mon père dans une autre histoire.
Tous les rôles semblaient être inversés. Ma mère avait pris la place du père mais était également la mère de sa propre mère. Je me retrouvais en concurrence, pour l'amour de ma mère, avec deux adultes qui se comportaient comme des enfants mal dans leur peau, ma grand-mère et mon père.
Ceux-ci ne s'aimaient pas, pour cause, ils désiraient chacun obtenir la meilleure place auprès de ma mère, mais moi dans tout cela où était la mienne ? Très tôt apparut chez moi un fort désir d'exister entrant en compétition avec celui de disparaître. J’emploierai plus tard les mots, grand-écart, écartèlement, contradictoire, pour désigner ce paradoxe.
Des comportements autodestructeurs se mirent en place précocement ; ils étaient censés attirer l'attention de ma mère ou provoquer le même sort que mes « prédécesseurs », ma disparition. Voici schématiquement brossée la base de mon sentiment de manque de confiance en moi.
La suite, une longue lutte pour survivre, une sévère dépression puis l'échec de mon couple, ceci dû au fait d'avoir inconsciemment choisi une femme me permettant de reproduire le vécu de mon enfance. Une séparation douloureuse qui, augmentant ma culpabilité, réveillait toutes mes anciennes blessures. Parmi celles-ci, un fort sentiment d'abandon vécu lors de mes 11 ans dû, d'une part au départ de mon père dans une apothéose de crises, et d'autre part au décès de mon grand-père, une véritable tragédie pour le futur adolescent que j'étais.
Le désir d'exister prit alors le dessus et j'entamais une thérapie. Elle dura deux ans comme celles qui suivirent, trois en tout avec différents thérapeutes, toutes des femmes bien sûr. Elles me permirent de survivre, de démêler ce fouillis affectif et émotionnel, ces sentiments de frustration, de colère, de désespoir, de culpabilité et d'impuissance qui me torturaient et provoquaient une angoisse et une insécurité constantes.
Durant tout le temps précédant ma première démarche thérapeutique, j'avais fait des choix de facilité, qui m’amenèrent à poursuivre des études, puis des métiers me convenant peu, sinon pas du tout. Cette façon de procéder sera ensuite réduite mais n’en persistera pas moins durant de nombreuses années.
La pratique du sport, entreprise à l'approche de mon adolescence, me permit de compenser un temps, de ne pas exploser, de ne pas sombrer, de canaliser mes énergies négatives. Mais elle faillit devenir au fil du temps mon unique bouée de sauvetage créant ainsi pendant une longue période une véritable addiction.
Un épisode prégnant dans mon parcours de vie vint s'ajouter en 1998. Il s'agit de la convergence de divers évènements importants, le principal étant le décès de ma grand-mère maternelle. Je n'avais pas, dans la confusion mentale de l'instant, pris conscience de l'importance de ce décès et des répercutions qu'il aurait dans ma vie. Conjointement je prenais, sur un « coup de tête », la décision de quitter un service qui me convenait et, pour faire bonne mesure, celle de m’engager dans « une vie à deux » avec l'intuition que ce serait un échec.
Comme étourdi par les évènements, en pleine confusion, je me retrouve à passer huit heures par jour dans une ambiance professionnelle totalement opposée à mon « être ». Ma décision ayant été prise dans l’urgence accompagnée d’un fort sentiment d’injustice, je me retrouve emporté par un véritable tourbillon dévastateur. Ce fut catastrophique, c’est un peu comme si j’avais quitté la barre de mon navire et que ce dernier, livré à lui-même, était ballotté de-ci de-là au gré des flots. J'entrais de plein fouet dans une phase décrite actuellement sous le terme de « burn-out » (voir l’article du Dr. ISSARTEL « Burn-out : pourquoi un tel succès ? », n° 19 du magazine Santé Intégrative). Cette dernière persistera les cinq années précédant ma fuite salutaire dans une retraite anticipée.
Mon manque de confiance m'avait poussé à en faire toujours davantage afin de me sentir accepté de mes collègues comme de ma hiérarchie. Je pensais ainsi éviter d'être à nouveau confronté à des conflits susceptibles de provoquer un rejet, un sentiment d'abandon. J’avais à nouveau accepté l’inacceptable, je m’étais renié.
Je souffle quelque peu dans cette phase de décélération induite par ma mise en retraite en l’année 2003, mais essuie le choc d’une transition brutale, d’une force d’inertie qui génère encore un énorme stress. Concrètement je dois gérer un véritable manque, celui de l’adrénaline. Un déménagement mal vécu, mon couple qui sombre, tout est réuni pour la suite des évènements.
J’avais fui un service pour un autre, puis une situation pour une autre. En septembre 2008, je me retourne enfin et fais face comme ce fut le cas lors du processus qui stoppa net mes cauchemars d’enfant.
Je traverse alors successivement et dans l'ordre mes deux plus grandes terreurs, le vivant littéralement comme une initiation. Il faut savoir que ma grand-mère avait deux phobies, celle de devoir subir une opération et celle des maladies. Le cancer, sorte de divinité malfaisante, représentait pour elle la maladie suprême qu'elle voyait partout en elle. Et bien, pour mon cinquante septième anniversaire, je « m'offre la traversée des deux », un passage. Une opération le 2, mon anniversaire le 10 suivi de l’annonce « officielle » de mon lymphome le 18. Je le nomme ma « mal à vivre » car il met en lumière ma problématique. Je vais même jusqu’à éprouver la sensation de vivre enfin, de ne plus être en survie, d’être.
Curieusement au lieu de m'effondrer, comme le laissait prévoir ce que je pensais être ma personnalité, cette épreuve si elle ne m'a pas éveillé, m'a du moins réveillé. Une sorte de mort/renaissance. J'ai entrepris une nouvelle thérapie qui m'aide à intégrer enfin tout ce parcours compliqué. Placé en abstention thérapeutique par la médecine officielle, je profite de l’instant, rencontre des personnes qui me conviennent et m’accompagnent. Je pratique la méditation afin de prolonger les effets du véritable lâcher prise que fut le vécu de mon anesthésie. Il émerge de tout cela une ébauche de « confiance en moi » prometteuse.
C. Rouquié
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