Good Bye Lenin ! Hello Bendamustine !
La bendamustine a été utilisé pendant des décennies en Europe en Allemagne de l’Est. L’effondrement du mur de Berlin et la réunification allemande ont permis à ce médicament d’aider des patients à l’Ouest. Les médecins allemands l’ont ainsi utilisé dès les années 1990 dans le traitement de maladies hématologiques (principalement des leucémies puis deslymphomes). Héritage de la guerre froide sans doute, elle n’a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) aux Etats-Unis qu’en 2008 et au niveau européen qu’en 2010.
De précédents résultats ont plaidé en faveur d’une utilisation préférentielle de l’association bendamustine/rituximab contre les lymphomes non-hodgkiniens indolents, mais cette préférence n’est toujours pas mise en pratique par les cliniciens. De nombreux praticiens lui préfèrent encore le régime R-CHOP qui est une association du rituximab (Mabthera ®) à de la cyclophosphamide (Endoxan ®), de la doxorubicine, de la vincristine et de la prednisone. En France, la bendamustine (commercialisée sous le nom de Levact ®) n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en première ligne dans cette indication, mais en tant que "traitement en monothérapie du lymphome non hodgkinien indolent en progression, pendant ou dans les 6 mois, chez des patients ayant reçu un traitement par rituximab seul ou en association"1. En octobre 2010, la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé a jugé que le Levact ® constituait un "Progrès thérapeutique modéré dans le traitement du lymphome non hodgkinien indolent en progression après un traitement par rituximab"2.
Mais les résultats de l’étude présentée lors du congrès américain sur le cancer ASCO 2012 pourraient changer la donne3.
Pas de rechute ni d’aggravation pendant près de 6 ans
Cette étude a inclus 514 patients atteints de lymphome non-hodgkiniens indolents ou de lymphomes à cellules du manteau qui n’avaient encore reçu de traitement. La moitié a reçu le régime R-CHOP et l’autre moitié l’association bendamustine/rituximab. La période durant laquelle la maladie n’a pas progressé (appelée survie sans progression) a été de 69,5 mois dans le groupe bendamustine/rituximab contre 31,2 mois dans le groupe R-CHOP4.
La survie globale ne diffère pas entre les groupes. Mais pour le Pr. Mathias J. Rummel de l’hôpital universitaire de Giessen (Allemagne) et principal auteur de l’étude, cela est notamment dû au fait que la moitié des patients dont la maladie continuaient à progresser ont été autorisé à recevoir l’autre traitement et que la survie pour ces lymphomes indolents tend à être très longue. Selon lui, la survie sans progression constitue déjà un indicateur très fiable du bénéfice clinique et de la qualité de vie des patients.
Moins d’effets secondaires avec la bendamustine
L’étude a noté plus de réactions dermatologiques dans le groupe sous bendamustine, mais pas de perte de cheveux et moins d’infections et d’atteintes nerveuses que chez les patients sous R-CHOP. Des neutropénies modérées à sévères (abaissement dans le sang du nombre de granulocytes neutrophiles qui expose à un risque plus élevé d’infections) ont concerné 69 % des patients sous R-CHOP contre 29 % des patients sous bendamustine/rituximab. Ce problème a nécessité un traitement (facteur de croissance hématopoïétique) chez 20 % des patients sous R-CHOP mais seulement chez 4 % des patients sous bendamustine/rituximab.
"Il s’agit du premier essai randomisé comparant la bendamustine et le rituximab avec le régime de chimiothérapie standard pour ce types de lymphomes, et il montre clairement que le régime à base de bendamustine est plus efficace et moins toxique" déclare le Pr. Mathias J. Rummel. "De manière aussi importante, le régime à base de bendamustine permet aux patients d’avoir une meilleure qualité de vie pendant le traitement. Les résultats à long terme devrait être suffisamment importants pour changer la pratique clinique".
Vers un changement du traitement de première ligne ?
Faut-il donc changer dès maintenant le traitement de première ligne au profit de l’association bendamustine/rituximab ? Interrogé sur le sujet par Doctissimo, le Pr. Gilles Salles, professeur au Service d'hématologie des Hospices Civils de Lyon et membre du Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte (GELA) reste réservé. Il souligne que les résultats des patients traités par R-CHOP sont moins bons qu’attendus, et regrette l’absence de différence en termes de survie globale. "La combinaison bendamustine/rituximab semble moins toxique à court terme mais le recul sur les toxicités possibles à long terme ne sont pas connues. C’est une donnée importante pour des patients qui ont une espérance de vie supérieure à 10 ans" regrette le Pr. Salles.
"Nous attendons les résultats d'une étude comparable menée en Amérique du Nord pour confirmer ces données. On peut sûrement conclure que cette association donne de bons résultats, que cette combinaison est particulièrement attractive chez les patients âgés ou avec une contre-indication aux anthracyclines. Mais il faut plus de recul et une confirmation externe avant de conclure à une réelle supériorité par rapport au R-CHOP" conclut l’expert français. Un avis partagé par Bernard Coiffier, président du GELA et hématologue au centre hospitalier Lyon-Sud. Il déclare à Doctissimo qu'il attend lui aussi la publication de ces données dans une revue de référence et la confirmation de ces résultats par une autre étude. Affaire à suivre...
David Bême
1 - RCP du Levact disponible sur notre guide des médicaments
2 - LEVACT (bendamustine), alkylant, dans le traitement du lymphome non hodgkinien - Synthèse d'avis – Haute Autorité de Santé (accessible en ligne)
3 - Bendamustine plus rituximab (B-R) versus CHOP plus rituximab (R-CHOP) as first-line treatment in patients with indolent and mantle cell lymphomas (MCL): Updated results from the StiL NHL1 study. - Mathias J. Rummel, - ASCO 2012 - Abstract #3 (accessible en ligne)
4 - Cette amélioration de la survie sans progression concerne les lymphomes folliculaires, les lymphomes à cellules du manteau et la macroglobulinémie de Waldenström mais pas les lymphomes de la zone marginale.
Photo : © ASCO/Scott Morgan 2012